L’aigle royal a bien été tué par une éolienne, le parc de Bernargues dans l’Hérault plus que jamais en sursis

Publié le 06/04/2023 à 08:18

Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Montpellier après la mort du rapace. Les éoliennes du massif de l’Escandorgues (Hérault), déjà dans le collimateur judiciaire, sont visées.

L’interminable feuilleton judiciaire des éoliennes de Bernagues, près de Lodève (Hérault), actuellement en sursis, s’enrichit d’un nouvel épisode désastreux pour la biodiversité. À quelques mois d’un nouveau procès décisif où il pourrait être décidé à nouveau de leur démantèlement, ce qui constituerait une première en France (lire ci-après).

Le parquet de Montpellier a ainsi ouvert « tout récemment » une enquête préliminaire pour « destruction non autorisée d’espèce protégée » après la mort d’un aigle royal, espèce vulnérable et protégée. La dépouille de l’animal, le mâle de l’unique couple du secteur du massif de l’Escandorgue, a été retrouvée mi-janvier, au pied d’un mât de ces géants d’acier de 93 m de hauteur, par le réseau qui avait bagué et suivait le rapace.

Système de détection

La longue enquête menée depuis par l’OFB (Office français de la biodiversité) incrimine sans conteste une des sept éoliennes pourtant pourvue d’un système de détection et d’effarouchement des oiseaux, comme l’atteste le rapport d’enquête provisoire, sorti début mars, et que nous nous sommes procuré.

« Le visionnage des enregistrements des caméras conforte l’existence d’un lien de causalité entre la présence de l’éolienne et la mort de l’oiseau » nous confirme la préfecture de l’Hérault. Indiquant aussi que le système de caméra « a repéré l’aigle et la vitesse de rotation de l’éolienne était réduite pour prévenir le choc ».

« L’expertise toxicologique est négative »

Les hypothèses de tirs sur le rapace comme celui de la grippe aviaire avaient été écartées rapidement, seule manquait depuis plusieurs semaines l’expertise toxicologique qui, en cas d’empoisonnement, aurait pu gêner l’oiseau, et qui est enfin connue.

« L’expertise toxicologique est revenue négative » indique le procureur de la République de Montpellier Fabrice Bélargent.

Depuis les faits, les associations environnementales sont vent debout. Parce que la mort de cet aigle menace l’espèce dont il n’y a que 40 couples dans le massif central, et qu’elle aurait pu être évitée selon elles.

« C’est une hérésie de mettre des lignes de machines sur ces secteurs et d’y multiplier les parcs parce que ce sont des lignes de crête les plus sensibles pour leurs déplacements et leur chasse, cette mortalité n’est pas un hasard » dénonce Alain Ravayrol, de France Nature Environnement-LR qui a déposé plainte.

« Illégal de tuer des espèces protégées »

Ce que s’apprête également à faire le collectif « 34-12 » pour la protection des paysages et de la biodiversité dans l’Aveyron et l’Hérault : « C’est illégal de tuer des espèces protégées. Ce site de l’Escandorgue est au cœur du domaine vital de l’aigle, on le savait » déplore Marjorie Villey-Migraine, la porte-parole. Qui rappelle qu’un vautour moine avait déjà perdu la vie dans le massif en 2017 mais aussi un autre aigle juvénile en 2020.

« Ce sont des endroits où ils se perchent pour contrôler leur territoire » rappelle Christian Itty, de l’association Becot, chargée du suivi des aigles en France. C’est lui qui a bagué le mâle tué et son analyse est sans équivoque : « Ce parc n’aurait jamais dû être construit là, les aigles étaient là avant, c’était évident qu’il y aurait des problèmes. Soit on dit que l’énergie est prioritaire et la biodiversité la dernière roue du carrosse, où alors on n’impose pas l’un à l’autre et on réfléchit ».

Pour l’heure, l’enquête se poursuit, car, indique le parquet, les enquêteurs vont prochainement auditionner Valeo et sa filiale ERL, les exploitants du site des éoliennes de Bernargues, qui n’ont pas répondu à nos sollicitations.

« L’objectif maintenant, c’est que ce parc soit démoli » réagit Marjolaine Villey-Migraine, qui porte le combat judiciaire depuis 20 ans.

Vingt ans de procédure judiciaire, le démontage du parc prononcé puis suspendu

La date vient d’être fixée : le 10 octobre 2023, la cour d’appel de Nîmes va à son tour se pencher sur les sept éoliennes de Bernargues (Hérault). En jeu : le démontage du parc, ce qui constituerait une première en France. Voilà maintenant 20 ans que les procédures judiciaires se succèdent et opposent associations de défense de l’environnement et Enérgie renouvelable du Languedoc (ERL), le gestionnaire. Les recours administratifs ont débuté après qu’en 2003 le préfet a délivré un permis de construire. Lequel permis après plusieurs recours devant le conseil d’Etat a été définitivement annulé. En cause, comme un signe prémonitoire, le manque d’études d’impact sur l’environnement avec la présence d’aigles royaux. Les opposants ont ensuite porté le combat devant le tribunal judiciaire pour obtenir le démantèlement. Ils ont gagné à Montpellier en février 2021 lors d’une décision historique de destruction, perdu en appel, saisi la Cour de cassation qui leur a donné raison en janvier 2023. La juridiction suprême, ne jugeant par sur le fond, a renvoyé le dossier brûlant à la cour d’appel de Nîmes à l’automne prochain.

CET ARTICLE EST RÉSERVÉ AUX ABONNÉS

Accédez immédiatement
à cet article à partir de

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.