Les énergies vertes dans le piège budgétaire

Les énergies vertes dans le piège budgétaire

Veronique Le Billon Le 23/10 à 17:47
L'Etat pourrait tenté, PPE, favoriser filières déjà matures : pourquoi faire l'éolien flottant faire d'éolien terrestre montant ?
L’Etat pourrait être tenté, dans la PPE, de favoriser les filières déjà matures : pourquoi faire de l’éolien flottant quand on peut faire deux fois plus d’éolien terrestre pour le même montant ? – Jean Claude Moschetti/REA

ANALYSE – Plus question de subventionner sans compter les énergies renouvelables. A l’heure de présenter sa feuille de route énergétique, l’Etat privilégie désormais le rapport coût/efficacité. Au risque d’inquiéter les industriels des technologies émergentes.

Conférences de presse, question au gouvernement à l’Assemblée nationale… Ces dernières semaines,  les industriels du solaire, de l’éolien et du gaz ont mobilisé pour se rappeler au bon souvenir de l’exécutif avant qu’il ne dévoile sa feuille de route énergétique pour les dix ans à venir. Les arbitrages, qui seront détaillés courant novembre avec la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), diront à quel rythme l’Etat prévoit de soutenir leurs projets pour porter la part des énergies renouvelables à 32 % dans la consommation énergétique finale en 2030, et à 40 % de la production électrique au même horizon.

La nervosité de ces industriels est liée, pour une bonne part, à la montée en puissance des enjeux budgétaires et de pouvoir d’achat. Avant 2016, les subventions publiques nécessaires pour développer les énergies vertes étaient calculées par le régulateur (la CRE, commission de régulation de l’énergie) et financées directement par une taxe sur la facture d’électricité (la CSPE, contribution au service public de l’électricité), sans jamais passer par le contrôle du Parlement. Une dette avait en outre été contractée par l’Etat auprès d’EDF pour étaler dans le temps les soutiens publics.

« Plus transparent »

Or, depuis trois ans, ces montants de subventions et cette créance d’EDF, en cours de remboursement, transitent désormais chaque année par le projet de loi de finances, et sont donc inscrites noir sur blanc dans le budget de l’Etat, via un « compte d’affectation spéciale » examiné par les parlementaires. Ces derniers ne peuvent pas modifier les subventions prévues pour l’année à venir, mais ils peuvent désormais, avec ces chiffres sous les yeux, s’interroger et débattre des montants à venir. « La budgétisation change tout, parce que les choses deviennent plus transparentes », résume un expert.

Pour l’année 2019, le soutien public aux énergies renouvelables électriques s’élève ainsi à 5,2 milliards d’euros, pour une production prévue d’environ 60 térawattheures (soit autour de 11 % de la production d’électricité). Il faut, en outre, y ajouter un chèque de 1,8 milliard de remboursement à EDF.

Transfert vers le gaz et les carburants

Depuis deux ans, cette transparence s’est doublée d’un transfert d’une partie du financement des énergies vertes vers les consommateurs d’énergie carbonée (gaz et carburants), via la contribution climat énergie. Cette « taxe carbone », qui était indolore au début de sa mise en oeuvre, monte rapidement en puissance et se cumule désormais à la remontée des cours du pétrole (et du gaz) ainsi qu’à un euro plus fort.

Résultat, la facture énergétique des ménages s’alourdit, et s’invite depuis quelques semaines dans le débat sur le pouvoir d’achat des Français, que le gouvernement ne veut visiblement pas amplifier avec un soutien public sans contrôle pour les énergies vertes. En réponse à une question d’un député le 16 octobre, le ministre de la Transition écologique François de Rugy a ainsi prévenu que les arbitrages sur la PPE tiendront compte de « la maîtrise du juste prix pour le consommateur et pour le producteur ».

Favoriser les filières matures

Le gouvernement a déjà commencé à freiner. Au premier semestre, de longues négociations ont eu lieu sous la pression du Premier ministre pour revoir à la baisse le coût des six projets éoliens en mer attribués au début des années 2010. Sur les 40 milliards d’euros que devaient coûter ces projets sur vingt ans, les discussions ont  ainsi permis à l’Etat d’« économiser » 15 milliards . De même, alors que plusieurs acteurs – EDF, Engie, Naval Group – avaient commencé à investir dans l’hydrolien (des turbines utilisent le courant des marées pour produire de l’électricité), le gouvernement a mis le holà cet été,  en ne lançant pas d’appel d’offres pour de premières fermes commerciales, jugées trop coûteuses.

L’Etat pourrait ainsi être tenté, dans la PPE, de favoriser les filières déjà matures : pourquoi faire de l’éolien flottant quand on peut faire deux fois plus d’éolien terrestre pour le même montant ? « Le rapport efficacité/coût est très différent selon les énergies renouvelables. Il faut aller vers celles ayant le meilleur rapport », entend-on d’ailleurs à Bercy.

Les industriels des filières émergentes, comme l’éolien en mer flottant  ou le gaz vert, l’ont bien compris  : « Il ne faut pas s’enfermer dans un mix avec seulement du nucléaire, du solaire photovoltaïque et de l’éolien terrestre », plaide ainsi Engie.

Un débat temporaire ?

Le débat budgétaire pourrait n’être que temporaire : à production égale, le soutien public dégonflera dans quelques années, quand les premiers contrats négociés au tournant des années 2010 pour quinze ou vingt ans à des tarifs garantis très élevés (dix fois les prix de marché actuels !) s’éteindront.  Les prix de marché de l’électricité, par ailleurs, remontent , réduisant mécaniquement la subvention publique (qui est l’écart entre un tarif garanti donné au producteur et le prix de marché).

C’est pour cela que les industriels des niches vertes plaident a minima pour la préservation d’appels d’offres, même sans grands volumes, le temps d’amorcer des filières industrielles pourvoyeuses d’emplois futurs. Dans ce registre, le passé n’est pas l’exemple à suivre : parce que la France avait un mix électrique ultra-nucléaire, elle n’a pas développé les énergies vertes, qu’elle a finalement subventionnées trop tard et trop fort, sans en tirer beaucoup d’avantages industriels. La France a certes  vu naître quelques belles entreprises, et de toutes tailles , dans le développement de projets (Neoen, EDF renouvelables…) mais peu d’usines, comparé à son voisin allemand.

Pour le prochain appel d’offres éolien en mer à Dunkerque, le gouvernement a d’ailleurs acté la préférence du choix budgétaire sur le choix industriel : le cahier des charges, qui était attendu à la rentrée, ne devrait pas obliger les industriels à assurer un contenu local dans la production des équipements. Avec la maturité croissante de la technologie et des procédures, les pouvoirs publics peuvent ainsi espérer des tarifs de soutien deux fois moins élevés que ceux des premiers appels d’offres.

Véronique Le Billon
Chef adjointe du service Industrie

1 Commentaire

  1. De Rugy , ce matin Dimanche 18 Novembre sur CNEWS au Grand Rendez-Vous .
    Je ne sais pas vous , mais moi les bras m’en tombent ….. Voilà comment on peut manipuler le bon peuple avec des chiffres tronqués et des fausses « vérités » toutes faîtes .
    On est servi avec celui-là aussi !

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