Le Figaro 7 mai 2020
Le gouvernement vient de décider de doubler la puissance installée de l’éolien terrestre dans les huit ans qui viennent, s’alarment Stéphane Bern, Jean-Claude Casanova* et Michel Pébereau¤*, Françoise Chandernagor**, Patrice Cahart*** ainsi que les dix-sept autres signataires****.
TRIBUNE COLLECTIVE
La programmation pluriannuelle de l’énergie vient d’être adoptée à la sauvette par un décret du gouvernement le 21 avril. Elle prévoit une multiplication par 2,25 de la puissance installée de l’éolien terrestre d’ici 2028. La prolifération des éoliennes est ainsi inscrite au rang des priorités de notre pays. N’y avait-il pas de décisions plus urgentes, en ce temps de pandémie?
Le coronavirus a tout bouleversé. Il faut que la France renfloue une grande partie de son économie, la rende plus compétitive, remette à niveau son dispositif sanitaire, tout en limitant l’envolée de sa dette. Notre pays devra poursuivre aussi sa lutte pour le climat, en ce qu’elle a de rationnel : isolation des bâtiments dans le respect de l’environnement, promotion des véhicules électriques, relocalisation des productions. Tout cela mobilisera d’énormes sommes, publiques et privées. La France ne peut se permettre, en plus, une politique éolienne meurtrière pour nos paysages et nos pêcheurs, inutile pour la défense du climat et bientôt insupportable pour les finances des particuliers comme pour celles de l’État.
On voit déjà, dans nos campagnes, beaucoup d’éoliennes. On en verrait presque partout si le programme adopté le 21 avril dernier était appliqué. Et elles nous domineraient encore plus. Les engins qu’on implante aujourd’hui mesurent couramment 185 mètres de haut. Le préfet des Ardennes a autorisé 65 engins de 200 mètres. Le projet du Haut-Armançon, dans l’Yonne, atteint 240 mètres. On se rapproche à toute allure de la tour Eiffel, d’une hauteur de trois cents mètres. Sauf que celle-ci est unique, alors que la vision d’une pléiade de tours Eiffel serait oppressante.
Quant aux éoliennes installées dans des zones de pêche riches en ressources, elles détruisent
les fonds marins et chassent les artisans pêcheurs.
Nos paysages terrestres ou maritimes, avec les monuments qu’ils incluent, forment le cadre de vie des Français, et la base de notre tourisme. Un des rares atouts qui nous restent. Préservons-les.
Peut-être certains s’imaginent-ils que le sacrifice de ces paysages aux éoliennes est nécessaire pour lutter contre le réchauffement. Au contraire, grâce à l’électricité d’origine nucléaire et hydraulique, la production française d’électricité ne dégage presque plus de carbone. Les dernières centrales au fioul ont fermé. La fin des dernières centrales au charbon est programmée à brève échéance. Reste le gaz, qui n’est nécessaire que pour compenser l’extrême intermittence des productions éolienne et photovoltaïque. Dès lors, une nouvelle implantation massive d’éoliennes ne serait d’aucune aide dans la lutte contre le réchauffement.
Et même, elle lui nuirait. Dans notre pays, une éolienne ne fonctionne en moyenne qu’à 24 % de sa puissance : quand le vent est faible, elle reste immobile, et quand il est trop fort, on doit l’arrêter. Or les consommateurs ont besoin d’une alimentation en énergie régulière. Le gaz, polluant, prend donc le relais. Si une nouvelle extension est donnée à l’éolien, il faudra davantage de gaz.
Du fait de son union forcée avec ce méthane fossile, l’éolien n’est pas une vraie énergie renouvelable. En outre, il s’agira de plus en plus d’un gaz russe, ce qui donnera à la Russie un moyen de pression sur notre pays.
Excédentaire en électricité, la France n’a pas besoin de sources nouvelles d’énergie. Elle dispose de centrales nucléaires anciennes qui pourraient être prolongées, comme le montre l’exemple américain, de vingt ans voire de quarante. Les installations étant à peu près amorties, le courant produit est bon marché. Provenant au contraire d’installations à construire, le courant éolien terrestre sera, dans les meilleurs cas, deux fois plus cher. Et on veut substituer ce second courant au premier! Les conséquences ne se font pas attendre. Déjà, au cours des douze derniers mois, le prix du courant facturé aux particuliers a été relevé de 10 %. L’application de la programmation pluriannuelle de l’énergie qu’on vient de promulguer ne pourrait qu’aggraver cette tendance, et donc ponctionner le pouvoir d’achat des ménages, alors qu’à l’issue de l’épidémie, il faudra à l’inverse relancer la consommation.
Passons à la caisse. La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit pour la décennie 2018- 2028, après suppression d’une série de réacteurs encore utiles, la mise en place d’une puissance de 57 gigawatts, éolienne et photovoltaïque pour l’essentiel ; d’où un coût de l’ordre de 81 milliards d’euros, correspondant surtout à des achats de matériel à l’étranger, notamment … en Chine. Un comble!
Ce programme implique aussi un renforcement du réseau, d’un coût de l’ordre de 20 milliards d’euros (plus le coût psychologique des lignes à haute tension), et, compte tenu de l’intermittence de l’éolien comme du photovoltaïque, la création d’une force de secours d’un coût de l’ordre de 19 milliards d’euros.
Le total avoisinerait 120 milliards d’euros, à prélever sur l’épargne française publique ou privée\ et qui manqueraient cruellement pour financer notre redémarrage.
N’est-il pas temps de revenir à de plus justes priorités? Cessons d’aider de nouvelles éoliennes en France, et consacrons ce qui nous reste de ressources au sauvetage de notre pays.
*De l’Institut. ** De l’Académie Goncourt. *** Inspecteur général des finances honoraire. Ancien directeur de la législation fiscale au ministère des Finances. **** Retrouvez la liste complète des signataires sur FigaroVox premium.
TRIBUNE COLLECTIVE
que l’on soit affligé ou atterré par ce plan……se souvenir de la citation d’Albert Einstein : »la folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent »……..
C’est aussi ce qu’on appelle une « décision absurde » (voir livre de Christian Morel) : à un moment du raisonnement il y a une erreur ou une décision inappropriée ; le résultat ne correspond pas à ce qui était attendu mais on persiste par refus de se mettre en cause.
Pour illustrer (pédagogiquement) le propos
https://voir.ca/societe/2003/02/13/les-decisions-absurdes-entrevue-avec-christian-morel-se-tirer-dans-le-pied/