La transition énergétique face au principe de réalité

 

La transition énergétique face au principe de réalité

Christian Jonas / architecte, porteur du projet Nexus
Pour produire d'énergie verte France, faudrait planter intégralement littoral métropolitain d'éoliennes largeur dizaines kilomètres.
Pour produire assez d’énergie verte en France, il faudrait planter intégralement tout le littoral métropolitain d’éoliennes sur une largeur de plusieurs dizaines de kilomètres. – Sipa

LE CERCLE/POINT DE VUE – La transition énergétique, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, est impossible à mettre en oeuvre au regard des moyens techniques dont nous disposons.

La lutte contre le réchauffement climatique n’est plus seulement une priorité, mais une urgence. Les eaux montent,  les coraux disparaissent, les grandes tempêtes se lèvent. On applaudit les nations vertueuses, comme le Portugal ou la Norvège, en citant leurs performances dans les énergies alternatives. On nous parle aussi de réseaux intelligents, censés gérer les intermittences des énergies renouvelables et nous amener à un monde post-fossile et post-nucléaire.

Pourquoi, alors, le Japon, hôte du protocole de Kyoto, et l’Allemagne, pionnière de la réflexion environnementale,  se tournent-ils vers le charbon comme substitut de l’énergie nucléaire ? Pourquoi les Etats-Unis relancent-ils la production de ce combustible ? Pourquoi la France repousse-t-elle  son objectif de 50 % d’énergie électrique en renouvelable ? Nos dirigeants manquent-ils de discernement ?

La réponse est non. Ces atermoiements sont le fruit d’un principe incontournable, auquel le gouvernement allemand lui-même a finalement dû se résigner : le principe de réalité. Les énergies alternatives, telles qu’investies en ce moment, ne permettent pas de se substituer aux énergies fossiles et nucléaires : c’est mathématiquement impossible !

Faux-semblants

Comment expliquer, alors, que le Portugal parvienne à produire plus d’énergie verte qu’il n’en consomme ? En réalité, ce record ne porte que sur sa filière d’énergie électrique (soit à peine 13 % de sa consommation), dont la part belle du renouvelable reste l’hydraulique, en bénéficiant d’un facteur de charge éolien maximal dans un pays essentiellement côtier, et sans possibilité de stockage du surplus.

Et la Norvège et ses 50 % d’énergies alternatives ? Elles proviennent essentiellement de l’hydroélectricité, dans un pays de fjords, de lacs et de montagnes dont la superficie est comparable à la nôtre, mais avec une population douze fois moindre.

Il faudrait planter intégralement tout le littoral métropolitain d’éoliennes.

Ces deux exemples sont des faux-semblants. Car si l’on applique les calculs les plus simples pour la France, on aboutit pour notre consommation électrique actuelle (570 TWh) à la construction de 50.000 kilomètres carrés de parc éolien, ou de 5.000 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques. Le double en prenant en compte la consommation énergétique totale en vue de l’arrêt des énergies fossiles.

Autrement dit, il faudrait planter intégralement tout le littoral métropolitain d’éoliennes sur une largeur de plusieurs dizaines de kilomètres, ainsi que la totalité des sommets montagneux. Ou alors recouvrir jusqu’au moindre brin d’herbe plusieurs départements. A titre de comparaison, la totalité du parc nucléaire français occupe environ 60 kilomètres carrés seulement.

Tout cela semble absurde et c’est bien la preuve que la transition énergétique, telle qu’elle est envisagée, est impossible avec les techniques actuelles. Faut-il pour autant renoncer aux énergies alternatives ? Certainement pas ! Ce choix ne représente pas un avenir durable.

Capter l’énergie naturelle

La virginité relative des énergies douces, la vision trop lointaine de la saturation des sites, la spécialisation des experts et la concurrence des acteurs scientifiques et économiques conduisent à un manque total de synergie sur les lieux même de production du renouvelable à grande échelle.

Or, c’est justement sur la récolte simultanée de ces énergies qu’il faut travailler. Ainsi les rendements augmentent, les intermittences sont lissées, les coûts baissent ainsi que les emprises nécessaires. Car l’énergie brute est bien là et en abondance. Le rayonnement solaire sur terre représente dix mille fois les besoins énergétiques humains ! Il crée de la biomasse et de la chaleur. La chaleur génère le vent, les nuages, la pluie. L’énergie ne se perd pas, elle se diversifie.

Il faut donc apprendre à capter l’énergie naturelle. La transition énergétique ne peut aboutir que par une multidisciplinarité à longue échéance. Cela implique une constante volonté politique en ce sens. Il est urgent de casser les silos, d’écouter les idées transverses et de soutenir les approches « synergétiques » !

Christian Jonas est architecte, porteur du projet Nexus.

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