Le Monde de l’énergie
Publié le 05.02.2020 par Gérard Petit
Saint Thomas voulait voir pour croire et in fine il vit et il crut. Tout un chacun qui voit s’ériger les mâts éoliens et s’étaler la toile PV devrait donc croire en la « Transition Energétique » et comment douter en effet devant tant d’éléments tangibles.
Mais pour se convaincre vraiment, il faut aussi considérer l’autre côté du miroir que celui complaisamment présenté et s’interroger sur le verso de ce qui se dresse et s’étale sous nos yeux.
Janus en transition
Un bifront, deux faces dont les nuques sont accolées, c’est ainsi qu’on représente Janus, le Dieu romain protecteur, on dit aussi que l’un de ses visages est tourné vers le passé tandis que l’autre regarde l’avenir.
Cette image de double face pourrait très bien figurer, au sens propre, notre mutation énergétique avec d’un côté le visage volontaire de la modernité mobilisée au secours du climat en péril et de l’autre, le visage défait considérant les erreurs du passé. Une image que l’opinion désormais convaincue de l’impérieuse nécessité d’une « transition énergétique » adopterait facilement.
Avers et revers
Mais il existe aussi une autre manière de regarder cette transition, car en fait, l’opinion se questionne peu sur la pertinence des moyens qu’on lui propose, ou plutôt qu’on lui impose pour la mettre en œuvre, ni symétriquement, sur ce qu’on lui fait abandonner voire abominer.
Se pourrait-il en effet que la transition verte, très concrètement matérialisée par le déploiement des champs solaires et éoliens ait aussi son ubac alors que, comme la lune, c’est toujours la même face qui nous est montrée.
Abandonnant le plus souvent tout esprit critique, à condition que les salutaires déploiements ne s’effectuent pas dans son arrière cour, le « citoyen-concerné », d’aujourd’hui, un filtre vert devant les yeux, regarde la pousse des mats aussi naturellement que celle des champignons et la multiplication des panneaux solaires comme celle des lentilles d’eau à la surface d’une mare.
Bonne conscience importée, préjudices exportés
Jadis, la construction nucléaire a été montrée du doigt comme gros consommateur de béton, ce qu’elle fût indéniablement dans l’absolu, mais par rapport aux quantités nécessaires pour développer un parc éolien à l’échelle de nos ambitions et même en ne considérant que l’existant, le nucléaire joue en seconde voire en troisième division. Il en va de même pour l’acier (des ferraillages des fondations, des mats et de structures), or il est établi que les fabrications du béton et de l’acier occupent la tête des émissions industrielles de CO2.
S’agissant des métaux utilisés, le raccordement au réseau des champs éoliens et solaires, très dispersés, est gourmand en cuivre, métal qu’on retrouve également en quantité dans les nacelles des machines.
Des métaux rares (néodyme, dysprosium.) sont présents dans les aimants des turbines et le silicium est le composant clé des panneaux PV. Quant à l’utilisation de batteries, laquelle risque bien d’exploser si les prévisions concernant les véhicules électriques se concrétisent, même a minima, elle conduira à une augmentation massive de la consommation de lithium.
Comme le cuivre, ces métaux sont quasi intégralement produits hors de l’Europe (Asie, Amérique du sud, Australie,…) dans des conditions très difficiles pour les travailleurs et avec un impact lourd sur l’environnement.
Mais il est vrai que nous importons seulement nacelles, batteries, panneaux… matériels propres sur eux et que dans les dithyrambes qui accompagnent généralement leurs installations on ignore à dessein l’amont du cycle de leur production.
Ces observations, qu’on pourrait enrichir à l’envi valent évidemment pour tous les pays d’Europe (et d’ailleurs) qui se sont lancés dans des développements massifs d’EnR électriques.
Double peine
Depuis longtemps déjà, nous avons réalisé qu’acheter un tee-shirt bon marché n’est peut-être pas une bonne affaire pour tous, constat qui invite à ouvrir grand les yeux sur d’autres réalités.
Cette bonne conscience écologique si rassurante et si avenante quand elle prend la forme d’éoliennes et de panneaux PV se paye en réalité deux fois au prix fort. D’abord pour nous parce qu’elle est coûteuse et intégralement importée, mais surtout pour les autres (africains, chinois, andins,…) qui subissent dans leur chair et au prix de la destruction de leur environnement, toutes les contraintes et les nuisances de l’extraction et du conditionnement des matières premières.
Enfin, que cet énorme investissement se fasse en France au lourd détriment de nos paysages et sans faire baisser, si peu que ce soit, notre niveau d’émission de CO2 devrait logiquement conduire à nous mettre, définitivement, très mal à l’aise.
Boulimie verte
Pourtant il n’en est rien et à tout micro complaisamment tendu, les Verts disent encore attendre la vraie mutation du pays vers les renouvelables, alors que l’affaire prospère et que chacun peut s’en rendre compte (avec plaisir ou déplaisir, c’est selon).
Peut-on en effet considérer comme marginaux l’érection de 9000 mats éoliens (pour 15 GWe) et le déploiement de 10 000 ha de panneaux solaires PV (pour 8 GWe), soit au total 23GWe à comparer aux 63 GWe du pac nucléaire ou aux 15 GWe de l’hydraulique ?
Il est vrai que regarder les chiffres de production est moins flatteur : 5% pour l’éolien et 2% pour le solaire PV en 2019, ce qui devrait interroger au fond.
De plus, tout lecteur même inattentif de la nouvelle PPE peut prendre connaissance des projets pharaoniques qu’elle contient s’agissant du solaire PV ou de l’éolien (on et offshore), on y parle de multiplier l’existant par 5 et par 3, respectivement, ce qui s’apparente bien davantage à un emballement opportuniste qu’à un dessein raisonné.
Autre illustration, toute récente : la Commission Européenne, considérant qu’il n’y a pas (trop) « distorsion de concurrence » vient de valider les aides très substantielles que la France (donc ses contribuables) accorde aux promoteurs de ses six premiers champs éoliens offshore : 22,3 milliards d’euros pour 3GWe installés !
Le document bruxellois contient d’ailleurs une phrase foncièrement révélatrice indiquant que la Commission donne finalement son accord, car le total de la contribution de ces six champs (estimée à 2% de la production électrique nationale) restera marginal, en se gardant bien de mettre ce chiffre en regard des montants extravagants des aides accordées.
Cette fuite en avant fait absolument fi des éléments socio-économiques rapportés plus haut, alors « eyes wide shut », goutons sans déplaisir les délices d’une électricité verte, garantie par des « certificats d’origine », en évitant de trop nous interroger sur le sens des mots
carte postale de Bruxelles
https://www.mondialisation.ca/dou-vient-reellement-largent-derriere-le-nouvel-agenda-vert/5641295