TRIBUNE – Alors que le Sénat a voté un amendement permettant un droit de véto des maires contre les éoliennes, la ministre Barbara Pompili s’y est opposée. Pour Patrice Cahart, inspecteur général des finances, ce refus prouve le dogmatisme des partisans d’une énergie qui a prouvé son inefficacité.Par PCPublié le 07/07/2021 à 19:11, mis à jour le 08/07/2021 à 11:21
Patrice Cahart est ancien conseiller à la Cour de cassation et auteur de «La Peste éolienne», Éditions Hugo Doc, 2021.À découvrir
Le Sénat vient, dans sa sagesse, d’adopter un amendement au projet de loi climat et résilience, qui devrait mettre fin à une forme de tyrannie. À l’heure actuelle, les communes sont contraintes d’accepter les éoliennes dont elles ne veulent pas. L’amendement Courtial, du nom d’un sénateur LR de l’Oise appuyé par soixante-cinq de ses collègues, vise à leur rendre la liberté de refuser, dont on les avait privées. Encore s’agit-il d’une solution fort modérée. La liberté retrouvée ne bénéficierait qu’aux communes d’implantation des engins, et non à leurs voisines qui, compte tenu de la hauteur croissante des éoliennes, peuvent être affectées tout autant. En effet, plusieurs projets de 240 mètres de haut, pale comprise, sont actuellement à l’étude. L’ambition de la profession éolienne semble être d’égaler bientôt la tour Eiffel avec ses 300 mètres de hauteur. Un amendement du groupe communiste du Sénat, hélas retiré, prévoyait l’extension du droit de refus aux communes proches ; comme quoi le débat sur l’éolien ne saurait être ramené à une opposition droite-gauche.
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Compte tenu de cette modération de l’amendement Courtial, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, aurait dû s’empresser de l’accepter. Elle aurait atténué quelque peu le mécontentement qui monte de toutes parts contre l’éolien. Eh bien non! Elle a combattu l’initiative du Sénat, sans rien céder. Sans doute voudra-t-elle l’anéantir au cours des étapes suivantes de la procédure. Cet affrontement conduit à faire le point sur la progression de l’éolien – grave menace pesant sur notre pays. Selon la programmation pluriannuelle pour l’énergie (PPE), la puissance et donc l’encombrement des éoliennes installées seraient multipliés par 2,6 en dix ans. J’ai calculé qu’on en verrait alors, de manière gênante, dans toute la France rurale.
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Pour réaliser cette belle ambition, la ministre a adressé tout récemment une circulaire aux préfets. Elle leur prescrit de créer, dans chaque préfecture, un «pôle» éolien – cellule chargée d’activer les projets. Comme le personnel des préfectures n’est pas extensible, cela ne pourra se faire qu’au détriment d’autres actions. La ministre prévoit certes, dans chaque département, un exercice de «cartographie», consistant à délimiter des zones estimées favorables à l’éolien et, par différence, des zones défavorables. Mais elle se hâte de préciser que, si un promoteur souhaite s’installer dans l’une de ces dernières, son caractère défavorable ne lui sera pas opposé. Alors, à quoi bon cette cartographie? En conclusion, les préfets sont invités à fournir périodiquement des états des implantations nouvelles. Les malheureux ont vite compris: c’est sur cette base qu’ils seront notés. Ainsi, l’éolien se trouve hissé au premier rang des objectifs gouvernementaux, alors que, de toutes les solutions imaginées pour essayer de limiter les émissions de carbone, c’est la pire.
Rappelons qu’en France, abstraction faite des troubles dus à la pandémie, la part de l’électricité fournie par les sources fossiles est tombée au plus bas. Elle ne peut diminuer encore, car il faut un minimum d’énergies pilotables – donc disponibles à tout moment – pour compenser l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque. Dans notre pays, une éolienne ne fonctionne en moyenne qu’à 25 % de sa capacité. Comme les consommateurs doivent être alimentés de façon régulière, force est de faire appel, pour le complément, à une autre source qui ne peut être que le gaz – polluant, non renouvelable et, d’une manière croissante, de provenance russe.Sur le terrain, les professionnels de l’éolien et la ministre elle-même brocardent les opposants aux projets et les traitent d’égoïstes. En réalité, ce sont des gens courageux, luttant avec peu de moyens financiers contre des promoteurs gorgés d’un argent qui leur vient, pour la moitié environ, des contribuables
L’éolien devient donc, en France, un ennemi du climat. Et il l’est une seconde fois par l’énormité des ressources financières qu’il absorbe. Si l’on applique vraiment la PPE, qui prévoit d’ici à 2035 la fermeture de douze réacteurs, à «remplacer» par deux tiers d’éolien et un tiers de photovoltaïque, il faudra d’après mes calculs investir 145 milliards d’euros. Cette somme comprend la création d’un réseau ramifié dans tout le pays, et celle d’une force de secours constituée de centrales à gaz, pour compenser l’intermittence qui vient d’être décrite. En comparaison, le maintien en service des réacteurs condamnés, au moyen de dépenses dites de grand carénage, ne coûterait que 13 milliards d’euros. Les 145 milliards dépensés ne seraient plus disponibles pour financer les actions réellement utiles au climat: isolation des bâtiments, promotion du chauffage électrique et des véhicules électriques (y compris les deux-roues).
Sur le terrain, les professionnels de l’éolien et la ministre elle-même brocardent les opposants aux projets et les traitent d’égoïstes. En réalité, ce sont des gens courageux, luttant avec peu de moyens financiers contre des promoteurs gorgés d’un argent qui leur vient, pour la moitié environ, des contribuables. En tentant d’empêcher des implantations nuisibles, ces acteurs modestes servent l’intérêt général.
Le Figaro a publié ces derniers temps diverses protestations contre l’éolien, parmi lesquelles celle de Stéphane Bern, publiquement approuvée par Brigitte Macron. Mais ces mots sympathiques de l’épouse du président ne garantissent en rien la conversion de ce dernier, dont les propos de janvier 2020, par lesquels il se disait préoccupé du refus de l’éolien, sont restés sans suite concrète.
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Le projet de loi amendé arrivera en commission mixte paritaire le 12 juillet. Qui gagnera? La démocratie ou la religion éolienne? Si la première l’emporte, l’ensemble des problèmes que nous posent les «aérogénérateurs» ne sera pas réglé pour autant. Mais e sera une victoire hautement symbolique. L’éolien aura cessé de passer avant tous les principes.La rédaction vous conseille
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