Dans l’Hérault, un vent de fronde contre les éoliennes

Sept mâts de 93 mètres de haut continuent à fonctionner, malgré des décisions de justice s’y opposant. Un combat de plus de 15 ans.

GUILLAUME MOLLARET

ENVIRONNEMENT Et pourtant elles tournent. Sept éoliennes de 93 mètres de haut plantées sur les crêtes de la commune de Lunas, dans le nord de l’Hérault, n’ont administrativement pas le droit d’exister. Mais par la grâce des complexités de notre système judiciaire, elles continuent de produire de l’électricité.

Mardi, le tribunal de grande instance de Montpellier examine, devant une chambre civile, la demande de démolition de ces mâts géants, formulée par l’association Vigilance patrimoine paysager et naturel. Un énième chapitre de cette affaire au long cours qui oppose depuis plus de quinze ans des associations locales de protection des oiseaux et de la nature à l’énergéticien Valeco, propriétaire des aérogénérateurs au travers de la société d’exploitation ERL.

Avant même l’érection de ces éoliennes et leur mise en fonctionnement, en 2016, les associations s’opposaient à leur permis de construire devant la juridiction administrative. La raison : au-delà d’un aspect jugé disgracieux, des espèces volatiles protégées nichent dans ces montagnes situées en lisière des Cévennes et des Causses, deux territoires classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans les prétoires, depuis la première instance jusqu’à l’appel, la justice donne tantôt partiellement tort ou raison aux uns et aux autres… Si bien qu’en dépit des jugements définitifs en défaveur des éoliennes, celles-ci restent tout de même debout en vertu de jugements non suspensifs.

« Nous avons obtenu gain de cause trois fois devant le Conseil d’État : en 2011, 2012, et 2017, explique Marjolaine Villey-Migraine, porte-parole d’un collectif regroupant 65 associations locales de protection de la nature. La dernière annulation s’explique par les enjeux sur la biodiversité, notamment la présence d’un couple d’aigles royaux et d’autres espèces protégées. Le cœur de leur domaine vital est situé au sein même de ce site remarquable. Récemment, les cadavres d’un aigle juvénile ainsi que d’un vautour moine ont été retrouvés déchiquetés par des pales à proximité de ce parc éolien ainsi que d’un autre parc voisin. »

La mort de ce vautour moine sur le site a incité le préfet de l’Hérault à prendre, début 2020, un arrêté pour suspendre l’activité en journée afin de protéger l’espèce qui chasse dès le point du jour. Concomitamment, un autre arrêté est pris pour interdire aux éoliennes de tourner la nuit afin de ne pas perturber les chauves-souris… « Les éoliennes continuent de tourner et de produire de l’électricité alors que, selon la justice, elles n’ont même pas le droit d’être là », se désole Marjolaine Villey-Migraine qui, au travers du Collectif de protection de paysages Hérault Aveyron, appuie la demande de démantèlement des mâts.

Sur le plan géographique, géologique et hydrologique, le pays lodévois est une terre bénie pour les énergies renouvelables. Au cœur de ce territoire situé en lisière de l’Aveyron, on trouve, outre des éoliennes, un barrage formant le lac du Salagou et de nombreux parcs photovoltaïques. De quoi aiguiser les appétits des énergéticiens qui, même quand la justice leur donne raison, doivent s’armer de patience puisqu’il faut en moyenne dix ans de procédure à un projet éolien avant de sortir de terre. Contactée par Le Figaro, la société Valeco n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations.

Le Figaro – mardi 15 décembre 2020

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