Géopolitique de l’Electricité-note d’actualité – EDF, avis de tempête

Depuis que le gouvernement a annoncé le 14 janvier une augmentation du plafond de la quantité d’électricité qu’EDF doit fournir à prix d’ami à ses concurrents (dispositif ARENH), le débat s’est enflammé. UFC Que Choisir ou les entreprises électro-intensives en réclament encore plus. Les associations d’actionnaires protestent, l’action ayant dévissé de 15% en vingt quatre heures. Les organisations syndicales décident une grève. Le Conseil d’Administration d’EDF a été houleux. Même si aucun vote n’a eu lieu, il semble que la proposition du gouvernement n’avait pas l’appui d’une majorité.

Les lecteurs de la Lettre « Géopolitique de l’Electricité » de décembre « EDF et les 80 concurrents » ont pu lire une description de la situation et ne seront guère surpris de l’imbroglio actuel. Néanmoins nous revenons sur deux faits essentiels rarement mentionnés, y compris par les médias, ce qui gêne la compréhension :

I) L’ARENH n’est pas une conséquence des règles de concurrence.

L’ARENH provient d’une proposition d’une commission française d’experts (la Commission Champsaur) qui a cru déceler une lacune dans le droit européen de la concurrence. Cette lacune s’étant révélée imaginaire, la proposition de cette commission, le dispositif ARENH,  « conduit à s’écarter des conditions  normales de fonctionnement d’un marché concurrentiel » (dixit Autorité de Concurrence française, 17 mai 2010). L’ARENH imposé à EDF est une contrainte très lourde, voire mortifère, pour une entreprise en concurrence. Aucune application du droit européen de la concurrence ne pourrait conduire à  priver EDF d’une part de l’ordre de 100 TWh de son courant nucléaire en faveur de ses concurrents.

II) Modifier l’ARENH exige l’accord de la Commission Européenne.

L’ARENH, dispositif hors règles de concurrence, ne pouvait devenir légal qu’en obtenant  une dérogation de la Commission Européenne, qui, complaisante (en 2012), lui accorda (Décision C (2012) 2559 du 12/6/2012). Cette Décision s’impose à la France. L’Article 2 stipule que la quantité maximum de courant nucléaire qu’EDF peut être obligé de livrer à ses concurrents est de 100 TWh.

Conclusion : Le Gouvernement français est dans une impasse.

L’augmentation de 100 à 120 TWh du plafond de l’ARENH est impossible tant que la Décision de 2012 de la Commission Européenne reste en vigueur. Si le gouvernement français passait outre, une simple saisine en référé de la justice administrative  conduirait à une annulation. La Commission Européenne pourrait émettre une nouvelle Décision avec un plafond de 120 TWh,  mais l’ARENH n’est plus apprécié de la même façon. Il s’écarte du droit communautaire. En conséquence, une saisine en référé dans un délai de trois mois de la Cour de Justice de l’Union Européenne pourrait purement  et simplement casser une nouvelle Décision, ce qui amènerait la fin de l’ARENH.

Aberration juridique et économique, ARENH a mené à une situation ingérable.

On trouvera notre lettre de décembre 2022 « EDF et les 80 concurrents »  sur notre site 

https://www.geopolitique-electricite.fr

(rubrique étude)

Cordialement,

Lionel Taccoen    Directeur Lettre Géopolitique de l’Electricité

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