Opinion | Chacun doit connaître l’origine de son électricité

LesLes Echos, le 21 décembre 2021

Par Bertrand Charmaison, Maxence Cordiez et Stéphane Sarrade

La Commission européenne s’apprête à moderniser sa directive sur les énergies renouvelables. Elle doit saisir cette occasion réviser le système permettant de garantir l’origine de l’électricité, seule manière d’atteindre la neutralité carbone, expliquent trois responsables du CEA.

Le système européen permettant de garantir le caractère « renouvelable » de l’électricité ne permet pas d’atteindre ses objectifs vertueux. Il permet en pratique d’étiqueter comme « renouvelable » n’importe quelle électricité, à la seule condition qu’à un moment dans l’année, une quantité d’électricité renouvelable équivalente ait été injectée sur le réseau quelque part en Europe.

Ainsi, un consommateur du nord de l’Europe peut tout à fait garantir comme « renouvelable » un MWh consommé à 19 heures en hiver grâce aux certificats générés par la production d’un MWh à 13 heures l’été précédent par une centrale solaire photovoltaïque située dans le sud de l’Europe.

En fonctionnant comme un stockage virtuel gratuit d’électricité renouvelable, ce système n’incite pas au déploiement des infrastructures ni aux évolutions d’usages que le caractère intermittent des moyens de production d’électricité renouvelables rend nécessaires pour que l’offre électrique reste à tout moment égale à la demande. Cela pourrait fragiliser à terme la pérennité de l’approvisionnement électrique européen et l’atteinte des objectifs de décarbonation.

Garantie de l’origine

Dans le système de garantie de l’origine (GO) de l’électricité actuel (ouvert uniquement aux énergies renouvelables), un producteur produit à la fois de l’électricité et des garanties d’origine. Les deux sont échangeables indépendamment et, par défaut, une garantie d’origine est valable un an (un mois en France).

Concrètement, cela signifie qu’un producteur peut vendre son électricité à un fournisseur A et ses garanties d’origine à un autre fournisseur B n’importe quand dans l’année suivant la production de cette électricité. Ainsi, l’électricité consommée par les clients de A ne pourra pas prétendre au caractère renouvelable (même si elle l’est), contrairement à celle consommée par les clients de B (même si elle est physiquement produite à partir d’énergies fossiles).

Ce système n’offre aucune incitation à rendre le système électrique plus flexible, que ce soit via une offre pilotable, du stockage d’électricité ou la flexibilisation de la demande.

Mesures restrictives

Afin de faire converger progressivement l’électricité renouvelable effectivement produite et consommée en temps réel, il conviendrait de réduire la durée de vie des garanties d’origine : à un mois d’abord, comme c’est le cas en France, puis, selon un calendrier annoncé, jusqu’à une heure. Cela laisserait le temps aux intéressés d’adapter leurs contrats pour apporter le niveau de flexibilité requis (côté offre, demande et stockage).

Par ailleurs, afin d’éviter que les garanties d’origine émises dans certains Etats puissent inonder le marché européen, les échanges internationaux de GO devraient être limités aux réservations de capacités d’interconnexions. Ainsi, il ne serait plus possible de vendre davantage de GO qu’il ne peut physiquement s’échanger d’électricité entre pays, une pratique aujourd’hui courante conduisant à une faiblesse structurelle du cours des GO.

Information des consommateurs

Cette démarche permettrait de viser un approvisionnement en électricité bas carbone 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Plusieurs entreprises, notamment Google, s’attellent déjà à ce défi.

Nous constatons aujourd’hui que les garanties d’origine sont de plus en plus utilisées pour tracer l’électricité et permettre à des acteurs de se prévaloir d’une consommation renouvelable. Une fois les correctifs mis en place, il serait possible d’étendre le système de GO à toutes les énergies utilisées pour produire de l’électricité (charbon, gaz, fioul, nucléaire…), et rendre l’émission de GO et leur transfert jusqu’au consommateur final obligatoire.

Cela permettrait d’améliorer l’information des consommateurs en affichant sur leurs factures la répartition par source de l’électricité qui leur est fournie, ainsi que l’impact carbone associé.

Bertrand Charmaison est directeur de l’Institut I-TESE du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ; Maxence Cordiez est responsable des affaires publiques européennes du CEA et Stéphane Sarrade est directeur des programmes énergie du CE


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